Nos chats ne sont pas nos enfants

Nos chats ne sont pas nos enfantsAlors ne les traitons pas comme tels et n’en attendons pas un comportement similaire.

Un animal n’est ni un jouet ni un médicament, encore moins un bébé. Il n’a pas demandé à faire partie de la vie d’un humain – c’est l’humain qui l’a adopté – et l’animal ne lui doit absolument rien. C’est l’humain qui a des devoirs envers lui, pas l’inverse.

Lorsque j’ai recueilli mes deux petites boules de poils gravement malades, pleines de puces, et les oreilles pourries aux acariens, je m’attendais bien entendu à toute sorte de réaction attendrie, typique de n’importe quel humain normalement constitué quand il est mis en présence de chatons.

Ce à quoi je ne m’attendais pas du tout, en revanche, c’est la facilité avec laquelle certaines personnes prêtent aux animaux des réactions et des sentiments exclusivement humains, comme la reconnaissance, le regret, la culpabilité, etc.

“Oh ! T’as vu comme ils t’aiment, ils te font plein de câlins, dès qu’ils se réveillent !”

Non. Les chats sont simplement des animaux territoriaux. Chaque jour, ils font le tour du propriétaire, marquent leur territoire et laissent leur odeur en frottant leur tête partout, y compris sur leurs maîtres. Cela les rassure. C’est de ce comportement qu’est née la légende du chat qui va “se recueillir” sur la tombe de son maître. Qu’ils apprécient votre présence et aiment jouer avec vous, oui ; qu’ils éprouvent une certaine affection à votre endroit, peut-être, mais de là à parler d’amour avec un grand A, il ne faut rien exagérer.

“Tu les as vraiment sauvés, les pauvres loulous ! Ils vont t’être reconnaissants à vie !”

Ça, ça m’étonnerait beaucoup. La gratitude est un sentiment complexe typiquement humain que les animaux sont bien incapables de comprendre.

“Ils ont peur du vétérinaire ? C’est normal, ils réaliseront bientôt que c’est pour leur bien.”

Je ne vois pas comment. Les chats n’ont aucune notion du temps qui passe, alors arriver à établir un lien de cause à effet entre une piqûre, par exemple, et l’amélioration de leur état de santé, cela relèverait de la science-fiction.

“Pourvu que l’un des deux ne parte pas avant l’autre ! Celui qui reste mourrait de chagrin !”

Aucune chance. Contrairement aux éléphants, pour ne citer qu’eux, les chats n’ont pas de notion de “deuil”. La seule chose qui les perturbe, lorsqu’un autre chat ou un humain disparaît, c’est la modification de leur environnement parce que les chats ont horreur du changement.

Il m’a fallu entendre des dizaines de réflexions de ce type pour réaliser à quel point les gens qui m’entouraient souffraient – j’emploie ce mot à escient – d’anthropomorphisme.

Que les choses soient claires une fois pour toutes : les chats ne sont pas des personnes et il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’ils réagissent comme des humains. Ils détestent avoir 40 sortes de pâtées “gourmet” (pour rappel, un chat n’a que 500 récepteurs à peine dans les papilles alors que l’homme en a près de 10 000), des colliers à grelot (ce bruit leur abîme les tympans), du parfum sur la couenne, un cadeau encombrant à Noël (les chats, rappelons-le, détestent le changement), un noeud dans les poils, ou du vernis sur les griffes ! Vouloir les traiter comme des enfants, leur prêter des sentiments, des réactions ou un mécanisme de pensée purement humains les stresse, et les rend malheureux, voire agressifs ou, à l’inverse, peureux, car nous attendons d’eux quelque chose qu’ils sont incapables de nous donner, et ils sentent notre déception et notre agacement. Sur les sites WEB spécialisés, on ne compte plus les messages de maîtres désespérés parce que leur compagnon détruit le mobilier, urine partout, mord, griffe, ou refuse de se laisser caresser.

Mauvais caractère ? Mauvaises conditions d’élevage ? Traumatisme ?

Mes chats viennent d’un refuge surpeuplé où les bagarres étaient incessantes et la présence humaine rare. Bébés, ils étaient très malades, on subi des traitements lourds et ont failli mourir. Bref, à en croire certains sites et soi-disant spécialistes, ils avaient tout pour devenir d’horribles chats agressifs, sales et bruyants.

Pourtant, ils ne mordent pas, ne griffent pas, ne feulent pas, ne détruisent ni ne cassent rien, sont propres, prennent leur bain ou leurs médicaments sans se débattre, se laissent calmement couper les griffes, ne réclament jamais de nourriture, ne griffent pas les portes ni les canapés, ne montent pas aux rideaux, partent se coucher dans leur pièce quant l’heure est venue de dormir et ne nous réveillent pas.

S’ils sont “enfermés dans une boîte” ? Absolument pas.

Ils ont accès à tout l’appartement – cuisine exceptée pour des raisons évidentes d’hygiène -, ils ne sont ni peureux ni timides, jouent comme des fous, s’amusent, courent partout, demandent des gratouilles, sont terriblement curieux et piquent des crises de suractivité. Bref, ce sont de vrais chats, avec un comportement banal de chat.

Coup de bol ? Pas vraiment.

Un animal, quel qu’il soit, doit avant tout se sentir en sécurité, pas abandonné ou, à l’inverse, étouffé. Pour notre part, nous n’avons jamais harcelé nos chats pour les prendre sur nous ou les câliner. Nous avons laissé venir et aujourd’hui, ils nous suivent partout comme nos propres ombres. Nous jouons avec eux au minimum une heure par jour, ils ont toujours de l’eau, de la nourriture et une litière propre à disposition, des jouets, un arbre à chats, nous n’élevons pas la voix, ne faisons jamais de geste brusque et les laissons vivre leur vie de chat sans les polluer par nos états d’âme.

Aussi simple que ça.

Beaucoup de comportements félins malvenus ne sont qu’une réaction au comportement ou à l’attitude de leur maître, voire à quelque dérèglement dans l’environnement immédiat.

Mais ça, bien des maîtres en question peinent à le réaliser parce que, dans leur esprit, ils font “tout”, pour rendre leur compagnon “heureux”. Du moins, ce qu’ils considèrent comme tel – de leur point de vue d’humain.

À trop vouloir (mal) aimer nos compagnons à poils ou à plumes, on peut les rendre atrocement malheureux. Leur prêter des sentiments humains, ou vouloir les rendre humains, c’est renier ce qu’ils sont dans notre seul intérêt, pour nous rassurer, pour combler un vide ou par simple besoin de reconnaissance. Comme si, parce qu’ils ne présentent pas un minimum de caractéristiques humaines, qu’ils sont de simples “bêtes”, ils ne méritaient pas notre affection ni le statut de “membre de la famille” à part entière.

C. Rodríguez

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